четверг, 25 июня 2020 г.

Alexis Ragougneau reçoit le prix Libraires en Seine 2020

Après le prix des Libraires 2020, décerné le 3 juin à Akira Mizubayashi pour Âme brisée aux éditions Gallimard, dont Tahar Ben Jelloun avait dit tout le bien qu’il en pensait, le 8e prix Libraires en Seine, qui regroupe 14 librairies de l’Ouest parisien, vient d’élire une des plumes talentueuses du catalogue de Viviane Hamy, déjà en lice pour le Femina à la rentrée dernière. Si vous n’aviez découvert ni l’un ni l’autre, voici des rattrapages estivaux tout indiqués et qui, chacun à leur façon, ravira les amateurs de musique, salvatrice pour Mizubayashi, destructrice chez Ragougneau. Son Opus 77 a la maîtrise de la tension propre à l’auteur de romans policiers, La Madonne de Notre-Dame et Évangile pour un gueux. Mais Alexis Ragougneau a bien d’autres cordes à son arc, de dramaturge notamment. Il l’a prouvé dans le domaine romanesque en sortant du « genre » avec Niels, invité surprise sur la liste du Goncourt 2017, puis le montre de nouveau avec ce livre intense, une sorte de thriller psychologique dans le monde de la musique classique.

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Son personnage principal est féminin. Ariane Claessens est pianiste. Comme son père, qui a dû renoncer à sa pratique pour embrasser la direction d’orchestre, aboutissement apparent d’une carrière internationale remarquable. Le fils est aussi musicien, mais David a choisi le violon. Il y a aussi leur mère, jeune chanteuse si talentueuse, et l’histoire d’amour fou des parents. Puis viennent l’égotisme du père et la déchéance progressive de la mère privée de son art, de son pays natal, privée du désir de vivre. Yael dit non à la vie, sans en finir tout à fait, sous les yeux de ses jeunes enfants. Le décor, sombre, névrotique, est planté, mais pas d’emblée.

Concert funèbre

C’est le jour de l’enterrement de son père qu’Ariane surgit au début du livre. Elle doit choisir le morceau qu’elle interprétera, elle, la soliste star attendue par tout le milieu genevois, lors des obsèques de celui qui fut le chef de l’orchestre national de Suisse romande. C’est au moment précis où on lui demande pourquoi son frère n’est pas présent à la cérémonie que l’évidence s’impose. Bien entendu : ce sera l’Opus 77 de Chostakovitch.

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Pourquoi ? Que signifient ces notes dans l’histoire familiale ? Pourquoi David est-il absent, pourquoi s’est-il enfermé dans un bunker isolé de tout et de tous, depuis un certain soir de concert où il s’est retrouvé dirigé par son père et où… Patience ! Ariane s’épanche par paliers. Son monologue a la scansion d’une marche militaire. Mais il dit aussi que, si elle se consume pour son art, personne n’imagine ce que l’artiste « joue » pour tenir face à son public, son image, alors qu’elle est mangée par la peur panique de la scène et du trou de mémoire.

Course contre la montre

Le suspense augmente quand Ariane raconte ce qu’a vécu son jeune frère, le prodige laminé par la figure paternelle, et comment elle voudrait pouvoir le sortir de la réclusion qu’il s’est imposée. Au départ, le ton d’Ariane est froid, métallique, chargé de rancœur, d’une sorte de rage cadrée, comme pour contenir toute cette folie familiale, et puis elle se lâche quand elle touche au plus sensible : son frère, qu’elle voudrait sauver. Y parviendra-t-elle ?

Alexis Ragougneau pose toutes les pièces au dossier familial, révélées l’une après l’autre, puis entremêle savamment les temps, les faits, les réflexions, de telle sorte qu’Opus 77 a cette allure d’une course contre la montre, au tempo à la fois haletant et inquiétant. En commençant la lecture, prévoyez le panneau « Ne pas déranger ».

Opus 77, livre, Viviane Hamy, prix, Alexis Ragougneau, © SP

Opus 77, livre, Viviane Hamy, prix, Alexis Ragougneau, © SP

« Opus 77 », d’Alexis Ragougneau, reçoit le prix Libraires en Seine 2020. © SP

Opus 77, d’Alexis Ragougneau, éditions Viviane Hamy, 256 pages, 19 euros.Source: lepoint.fr

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