понедельник, 22 июня 2020 г.

Réouverture des salles de cinéma : le soulagement et les doutes

ENFIN ! Hier, autour de minuit, on pouvait entendre ce cri du cœur à l’unisson des spectateurs et des exploitants de salles de cinéma, privés mutuellement les uns des autres depuis 100 jours. Confirmée le 28 mai dernier par le Premier ministre Édouard Philippe, dans le cadre de la 3e phase du déconfinement, la réouverture des multiplexes et des établissements indépendants pour ce lundi 22 juin a pris en réalité un tout petit peu d’avance, hier soir, dans quelques salles de la capitale et de province. À 23 h 45, alors que certains Parisiens s’éclataient aux abords du canal Saint-Martin et dans les bars aménagés à l’occasion de la Fête de la musique, une petite foule se pressait devant les grilles du Pathé Beaugrenelle. Une poignée d’irréductibles spectateurs, tous masqués, attendaient ainsi patiemment l’ouverture pour une séance spéciale de minuit : l’avant-première de Lucky Strike, un polar coréen poisseux et jouissif, dont la sortie hexagonale est fixée au 8 juillet. Pour ces fans qui ont réservé leur place sur Internet, le film marque des retrouvailles heureuses avec le grand écran, après plus de trois mois de fermeture liée à la crise sanitaire.

L’horaire tardif attire forcément un public de jeunes initiés qui avaient désespérément besoin de leur dose : « Je suis en troisième année d’école de cinéma », explique Quentin, 21 ans. « Je regarde deux à trois films par jour, mais la salle m’a vraiment manqué. » Derrière lui, un peu moins de cent personnes marchent au pas, dociles, avançant lentement dans l’entrée du cinéma, avec lavage de mains obligatoire à la borne de gel hydroalcoolique, pour arriver au point d’accueil destiné aux réservations. « Nous sommes heureux de voir à nouveau de la vie », lance Céline Mattei, directrice d’agglomération du Pathé Beaugrenelle, affublée d’un masque à l’effigie de l’enseigne. « Réouvrir avec un film sud-coréen est un pari osé, mais cela correspond totalement à l’attente et aux goûts des spectateurs dont beaucoup sont des cinéphiles chevronnés. Nous voulons aussi montrer que notre salle permet de se réunir en famille ou entre amis comme dans n’importe quel salon confortable. » On sent la rude concurrence des plateformes, Netflix en tête ! Mais Chloé, spectatrice assidue de 25 ans, affirme clairement son attache aux salles obscures et son engouement quant à leurs réouvertures : « Il n’y a rien de mieux que de voir un film au cinéma. Aucun endroit ne peut remplacer cette expérience, encore moins chez soi devant Netflix. »

« Tenet » de Christopher Nolan, très attendu dans les salles dès le 31 juillet. © Warner Bros

Ailleurs en France, aux premières séances du matin entre 10 heures et 11 heures ce lundi, les exploitants ne cachaient pas non plus leur soulagement : « C’était formidable, on sentait une vraie solidarité de la part de certains spectateurs qui disaient venir spécialement pour nous soutenir, quitte à revenir voir un film qu’ils avaient déjà vu », confie Ludovic Kloeckner, directeur du CGR Polygone Riviera de Cagnes-sur-Mer, où quelque 80 impatients se sont pressés à l’ouverture. « Essentiellement les habitués du lundi matin, tandis que les pré-ventes de ce soir montrent beaucoup d’habitués du samedi soir, notamment pour Invisible Man et Bad Boys 3. » Marwan Messiouni, son homologue directeur du CGR Colmar, confirme ressentir un vrai besoin de cinéma chez les revenants : « On a reçu énormément d’appels tout le week-end pour des questions pratiques, l’envie est là et nous sommes soulagés de pouvoir rouvrir dans de bonnes conditions qui assurent aux spectateurs leur sécurité sanitaire. »

Comme un peu partout en France, les CGR ont adopté ces mesures qui constitueront désormais la routine du spectateur de cinéma : bornes de gel hydroalcoolique dès l’entrée principale et à l’intérieur de chaque salle (dont les portes resteront grandes ouvertes avant le début de chaque séance), incitations à la réservation en ligne, lingettes nettoyantes fournies au stand confiseries avec chaque article vendu, séances espacées de trente minutes pour éviter le croisement des foules, sens de circulation avec marquage au sol… Les spectateurs ne semblent pour le moment pas refroidis, ni blasés par leur éloignement forcé des salles : le Pathé Beaugrenelle a vu ses réseaux sociaux exploser durant sa fermeture, notamment son compte Instagram avec plus de 25 000 nouveaux abonnements. En cette nuit de réouverture, aucun spectateur ne semblait dérangé par le port du masque dans les parties communes, d’autant que, contrairement aux consignes initiales, il est donc possible désormais de l’enlever une fois assis dans son fauteuil. Et la plupart des personnes présentes n’hésitaient pas à faire une razzia sur le gel hydroalcoolique dispensé par les distributeurs prévus à cet effet.

Les distributeurs vont scruter ce lundi à la loupe pour se positionner (Marwan Messiouni, CGR Colmar)

Il est cependant bien trop tôt pour dire si ce nouvel environnement hygiéniste et son impact sur le nombre de séances par jour constituera un handicap financier insurmontable pour le secteur, même si l’obligation d’un taux de remplissage ne dépassant pas 50 % par salle a été finalement levée. Beaucoup d’inconnues subsistent par ailleurs quant au planning précis des sorties estivales : « Beaucoup de distributeurs vont scruter à la loupe les chiffres de ce 22 juin pour sentir l’état d’esprit du public et se positionner en fonction », affirme Marwan Messiouni. Face à un été qui restera définitivement pauvre en sorties majeures, hormis l’outsider Tout simplement noir le 8 juillet, Mulan le 22 juillet et Tenet le 31 juillet (un vendredi, soit le jour même de sa sortie américaine), les exploitants misent sur une programmation inventive pour raviver l’envie à défaut d’allumer le feu. « À l’occasion de la sortie de Tenet, nous proposerons un cycle autour de Christopher Nolan », détaille Marianne Chalubert, la responsable de communication du Pathé Beaugrenelle. « Nous allons aussi organiser d’autres avant-premières, comme celle de Lucky Strike ce soir. »

Pour le mono-écran du Max Linder Panorama, à Paris, la propriétaire Claudine Cornillat mise quant à elle sur un cycle baptisé Une autre histoire de l’Amérique avec, ces prochaines semaines, une trentaine de films abordant les thèmes du racisme, de l’esclavage et du sort des minorités outre-Atlantique (Mississipi Burning, BlacKkKlansman, Django Unchained, Dans la chaleur de la nuit…). Salle chouchoute des cinéphiles parisiens, le Max Linder reste suspendue, comme les autres cinémas indépendants de la ville, à un projet de subvention en cours d’élaboration à la mairie de Paris, qui succéderait aux aides déjà débloquées par l’État pendant le confinement. Et le 31 juillet prochain, comme beaucoup de ses confrères et consœurs, Claudine Cornillat mise beaucoup sur Tenet pour attirer le plus possible de spectateurs à défaut de pouvoir faire un plein désormais virtuellement impossible – règle d’un siège d’écart entre spectateurs non venus ensemble oblige. Au terme de ces premières 24 heures de réouverture des cinémas français, moult doutes persistent donc, mais c’est malgré tout l’enthousiasme qui l’emporte même si, la nuit dernière au Pathé Beaugrenelle, subsistait un mécontent : un trentenaire, écharpe autour du cou, émettant un bémol sur la climatisation jugée trop forte. Un spectateur frileux qui aura quand même fait l’effort de se déplacer, tard dans la nuit un dimanche, occultant la Fête de la musique, pour se « reconfiner » dans une salle de cinéma : tout espoir est donc permis !

Source: lepoint.fr

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