À Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), la mairie a ouvert une enquête administrative afin de déterminer si les attributions de HLM sur la ville se sont faites dans les règles. Il semblerait que ces attributions soient entachées de nombreuses irrégularités. En parallèle de cette enquête, plusieurs habitants de Villeneuve-la-Garenne indiquent, sous le couvert de l’anonymat, avoir un ou plusieurs proches ayant eu recours à des bakchichs pour obtenir des logements. Malgré l’omerta sur ce sujet, notamment auprès des familles qui auraient bénéficié de HLM moyennant de l’argent liquide, nous avons recueilli le témoignage de Naomi (prénom modifié), une habitante des Hauts-de-Seine, qui dit avoir joué le rôle d’intermédiaire entre la population et un élu. Elle désigne nommément Pascal Pélain, actuellement tête de liste UDI, comme principal bénéficiaire d’enveloppes d’argent liquide en échange de l’attribution de logements sociaux. L’intéressé, élu responsable du logement et de la démocratie participative, se défend. Interrogé par Le Point au sujet de ces enveloppes, il affirme « ne pas savoir de quoi il s’agit » et rappelle que « ce n’est pas la mairie qui attribue les logements mais le bailleur ». Naomi, qui produit ses SMS échangés avec l’élu, nous a longuement expliqué le système. Elle a accepté de témoigner pour nous devant une caméra, à condition de préserver son anonymat. Son témoignage est brut et sans détour.
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La jeune femme affirme avoir rétribué l’élu une vingtaine de fois entre 2017 et 2019. « Je l’ai rencontré la première fois en 2017 pour lui demander un appartement pour une amie proche. Il m’a demandé le numéro d’inscription et, une fois le dossier complet, mon amie a eu son appartement en un mois… alors qu’il y avait des gens qui attendaient depuis des années ! » La jeune femme est ensuite retournée voir l’élu « pour le remercier », nous dit-elle. « Je l’ai informé que j’avais une grosse clientèle qui était prête à payer pour des logements. Il n’était pas chaud pour ça. On s’est vus une seconde fois, puis une troisième. Il a fini par accepter mon enveloppe de remerciement avec 2 500 euros en liquide. Il semblait content. Je me suis dit à ce moment-là que la mairie était à moi », témoigne-t-elle. Naomi décrit, avec force détails, le système auquel elle a participé, ainsi que ses rapports avec cet élu : « Je m’occupais de la partie commerciale de l’affaire, je n’avais qu’à lui donner 2 500 euros et le numéro de dossier en mairie. Tous les dossiers que je lui ai apportés ont été traités en priorité et aucun n’a été recalé. » Y compris le dossier de Sarah R. une jeune femme qui sera emprisonnée pour terrorisme quelques mois plus tard…
« Choper des appartements »
Rapidement, la rumeur d’un système de passe-droits s’ébruite dans la ville : « Des gens venaient chez ma mère pour choper des appartements ! Je demandais 4 000 euros et je gardais 1 500 euros pour moi. » Lorsque les revenus des candidats étaient trop élevés ou trop bas pour entrer dans les critères, elle s’occupait de leur fournir un dossier crédible, moyennant rétribution, bien entendu. Naomi raconte comment elle a fourni des dossiers crédibles aux candidats normalement non éligibles à un HLM : « Le second dossier, c’étaient des gens au RSA. Leur dossier ne pouvait pas passer, car le bailleur exigeait que les gens soient salariés. Du coup, c’est un ami qui m’a fait des fiches de paie et des feuilles d’impôts pour entrer dans les critères. » Elle dit aussi avoir fait fabriquer une fois de faux papiers pour que des étrangers en situation irrégulière puissent accéder à un appartement.
Dispute
L’élu qu’elle incrimine était-il au courant que les dossiers présentés par son intermédiaire étaient falsifiés ? « Il m’a dit qu’il ne voulait rien entendre, qu’il avait simplement besoin du numéro d’inscription », affirme-t-elle. « Un élu n’a pas à être expert en détection de faux documents. Si j’avais eu connaissance d’un tel procédé, j’aurais immédiatement dénoncé ce procédé à la justice comme me l’impose l’article 40 », se défend Pascal Pélain. Pourquoi cette intermédiaire décide-t-elle subitement de parler, au risque de plonger avec celui qu’elle dénonce ? « Je me suis disputée avec lui. Du jour au lendemain, il a cessé de me rappeler. Il a eu peur, et j’ai perdu de l’argent ! Depuis, je le vois faire campagne avec le slogan «Honnêteté, intégrité, proximité». Ça me fait bien rigoler », explique-t-elle.
Les soupçons d’usage de faux documents sont étayés par un second témoignage, celui de « Stéphanie » qui explique s’occuper d’une « entreprise » chargée d’établir les faux dossiers. « Fiches de paie, fiches d’imposition, relevés bancaires, papiers d’identité, parfois, je refais tout un dossier de A à Z. J’ouvre des lignes téléphoniques au nom de sociétés existantes que je mets dans les en-têtes de documents et je me fais passer pour la DRH lorsque les bailleurs appellent pour se renseigner sur les locataires potentiels. Je prends entre 600 et 1 000 euros par dossier », explique la jeune femme, qui affirme aussi fabriquer de faux dossiers de prêts bancaires mais ne « jamais arnaquer l’État, car trop dangereux ». Elle aurait fourni plusieurs dossiers dans le cadre d’attributions irrégulières de logements à Villeneuve-la-Garenne.
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