пятница, 17 июля 2020 г.

Dans les archives de Match — Zizi Jeanmaire et Roland Petit, l’amour sur un pas de deux

Zizi Jeanmaire est décédée vendredi à l’âge de 96 ans, neuf ans après celui avec qui elle avait tant partagé, le chorégraphe Roland Petit… Avec Rétro Match, suivez l'actualité à travers les archives de Paris Match.

Elle n'était encore que le petite Renée Jeanmaire, quand elle a rencontré Roland Petit. Ils avaient 9 ans. Deux «petits rats», à la barre de l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris. Même après avoir quitté la vénérable maison, au sortir de la Seconde guerre mondiale, il ne se sont jamais perdus de vue.

En 1948, Roland Petit lance sa compagnie, les Ballets de Paris. Renée devient sa «Carmen». Ils iront dans le West End de Londres, puis Broadway à New York, avant de gagner Hollywood pour mener chacun leur vie. Elle y trouvera la gloire, encore, et le surnom de «Zizi», mais ne supportera pas longtemps d'être séparée de lui. Et s'il a plus de mal à le dire, lui non plus…

Zizi Jeanmaire et Roland Petit se retrouvent en 1954, à Los Angeles. Quelques semaines plus tard, ils se marient dans la Beauce. Une année après, le couple accueille une petite Valentine. Zizi Jeanmaire et Roland Petit ne se quitteront plus jamais. Ensemble, le chorégraphe et sa belle étoile vont créer, monter, porter ensemble les plus beaux succès du music-hall français.

Zizi Jeanmaire est décédée vendredi à l’âge de 96 ans, neuf ans après celui avec qui elle avait tant partagé. En 2008, la danseuse avait raconté à Match leur rencontre. En 2002, le chorégraphe, lui, s’était confié sur leur retrouvailles de 1954…

Voici les interviews de Zizi Jeanmaire et Roland Petit, telles que publiées dans Paris Match en 2002 et 2008.

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Paris Match n°3109, 18 décembre 2008

Le jour où… j'ai flashé sur mon mari

par Zizi Jeanmaire (Propos recueillis par François Labrouillère)

En 1933, à 9 ans, sur les bancs de l’école, il a suffi d’un regard pour que je tombe amoureuse de Roland Petit. Mais j’ai dû attendre longtemps notre premier tendre pas de deux.

Je venais d'entrer à l'école de danse de l'Opéra de Paris, celle des célèbres petits rats, où j'avais supplié mes parents de m’inscrire après avoir été éblouie par « Roméo et Juliette » de Gounod au Palais Garnier. A côté des cours de danse, où garçons et filles étaient séparés – l’époque était très stricte –, nous nous rendions à l'école communale, au rez-de-chaussée d'un immeuble de la rue d'Astorg, non loin de l’Opéra. Et là, les classes étaient mixtes. Le premier jour, quand on s’est installé derrière les pupitres, les garçons d'un côté, les filles de l’autre, je l'ai tout de suite remarqué. Nos yeux se sont croisés. Je suis tombée sous le charme. Et aujourd'hui, soixante-quinze ans plus tard, je l'aime comme au premier jour.

Très mince, les jambes longues, le teint pâle, des boucles brunes et des yeux extraordinairement expressifs, il n'était pas un adolescent comme les autres. Excellent élève, toujours premier, il avait une sensibilité et un monde intérieur qui le rendaient différent. Nous avons fait toutes nos classes ensemble. Rieur, drôle, diaboliquement taquin, Roland aimait courtiser la maîtresse d'école pour obtenir d'elle tout ce qu'il voulait. Il me titillait sur mes tabliers, mes coiffures, mes tuniques. Ce qui n'était pas pour me déplaire. Chaque vendredi, comme un rite, nous partagions le clafoutis que m'avait préparé ma grand-mère. Mais malgré mes efforts, il ne s'intéressait pas particulièrement à moi.

Fils de parents séparés – un père cafetier aux Halles, sa mère, Rose Repetto, future fondatrice de la marque de chaussons de danse aujourd'hui mondialement connue –, Roland Petit aimait déjà diriger. Chaque fin d'année, c'est lui qui organisait le petit spectacle des élèves. Je n'étais jamais choisie parmi les rôles qu'il distribuait, ce qui avait le don de m'irriter au plus haut point. En 1940, Roland et moi avons été engagés dans la même promotion du corps de ballet de l’Opéra. Je l'ai vu grandir, s’épanouir et, dès l'âge de 16 ans – c’est l’époque où il a commencé à me regarder avec un peu plus d’attention –, réaliser des choses extraordinaires.

Curieux de tout, il aimait le jazz, la chanson, prenait des cours de théâtre,fréquentait les célébrités du Tout-Paris, Jean Cocteau, Picasso et bien d'autres. En 1945, à l'âge de 21 ans, Roland crée « Les forains »avec la compagnie qu'il vient démonter. De mon côté, après avoir quitté l'Opéra, donné des récitals à Paris et Londres, dansé à Monte-Carlo, j'étais à la croisée des chemins. Plus la danse accaparait ma vie, plus Roland prenait d'importance dans mon cœur. Ma seule obsession était de travailler avec lui. Hélas, il ne s’était pas encore aperçu de mon amour…

Notre première alliance, artistiquement parlant, eut lieu en 1949 à Londres, avec la création du ballet « Carmen ». Roland voulait une Carmen androgyne. Il me fit couper les cheveux. Je n'ai plus jamais changé de coiffure depuis.Le spectacle fut un immense succès et me révéla mon pouvoir de séduction. Mais lui semblait demeurer insensible à mes sentiments, et je ne partageais toujours pas sa vie privée.

Après une année de rupture, due à l'ambiguïté de cette relation, c'est en 1954, à Hollywood, que nous sommes tombés dans les bras l'un de l’autre. Quelques semaines plus tard, le 29 décembre 1954, nous nous sommes mariés dans un petit village de la Beauce, la terre natale de Roland. Pour son premier numéro de l'année 1955, Paris Match nous offrait sa couverture avec ce titre « Les mariés du nouvel an ». Dire qu'à l'époque, à cause de nos caractères bien trempés, beaucoup parmi nos proches pensaient que cette union ne durerait pas.

« Les mariés du nouvel an », Zizi Jeanmaire et Roland Petit en couverture de Paris Match n°302, 8 janvier 1955.

« Les mariés du nouvel an », Zizi Jeanmaire et Roland Petit en couverture de Paris Match n°302, 8 janvier 1955. © Paris Match


Paris Match n°2768, 13 juin 2002

Le jour où… j'ai enfin dit je t'aime à Zizi

par Roland Petit (Propos recueillis par Jean-Claude Simon)

Je n’avais pas vu ma partenaire depuis deux ans. Mais un matin de 1954, elle a débarqué chez moi à Hollywood et j'ai compris qu'elle était la femme de ma vie. Pendant vingt-quatre heures, nous nous sommes aimés à perdre haleine ; notre chorégraphie la plus sublime.

Il était 7 heures du matin. Je me préparais à partir au studio Goldwyn Mayer, à Beverly Hills, où je travaillais avec Fred Astaire sur son prochain film, « Daddy Long Legs », quand le téléphone a sonné. Et qui était au bout du fil ? Zizi, que je n’avais pas vue ni entendue depuis deux ans. Après le succès de notre ballet fétiche, « Carmen », qui nous avait unis professionnellement – rien que professionnellement –, nous nous étions séparés : elle avait sa vie, moi la mienne. Pour elle, ça marchait fort, et moi je me débrouillais sans conviction.

Rien que le son de sa voix, ce jour de l'année 1954, me fit bondir de bonheur. « Où es-tu ?» Elle me répond : « À l’aéroport.» Silence. En moi-même, je pense : elle est venue à Hollywood pour préparer le prochain film qu’elle doit tourner avec Bing Crosby, et elle passe me voir en coup de vent, par politesse. Je lui dis pourtant que je l’attends. J'annule ma répétition. Fred, assisté de son propre génie, se débrouillera bien tout seul.

Je me rase à toute vitesse, je prépare le breakfast et trouve même le temps d'aller cueillir quelques fleurs dans le jardin pour les mettre dans un vase sur la table. Deux couverts sont prêts, j'attends ma compagne d'enfance, ma petite danseuse de l'Opéra de Paris où nous avions fait nos classes ensemble. J'attends ma Carmen, celle que je n'ai jamais serrée sur mon cœur parce que la jeunesse, l'ambition, le désir de faire carrière m'avait empêché d'ouvrir les yeux. J'étais seul et j'attendais la seule femme qui comptait pour moi.

Vers 8 heures, elle sort d'un taxi, moulée dans un tailleur gris clair. Je m’en souviens comme si c'était aujourd'hui, maintenant. Je suis allé vers elle, je l’ai prise dans mes bras, et là j'ai su que je l’aimais pour la vie. Elle a murmuré :« Je suis venue pour toi.» Nous sommes restés l'un contre l'autre pendant vingt-quatre heures. Nous avons vécu le plus sublime des pas de deux. Notre chorégraphie d'amour fut si inspirée que j'en frémis encore. Sans parler, sans rien dire, le deal était conclu : nous nous aimions à la folie. Un jour, une nuit l'un que pour l'autre, et Zizi me quitte…

Elle retourne à New York où elle travaille. Et me voilà branché sur le téléphone des heures chaque jour. Dès que mon travail à Hollywood fut terminé, nous sommes rentrés à Paris, où nous nous sommes mariés. Nous avions la trentaine. Quelques mois plus tard, le ciel nous a envoyé le plus beau cadeau de la vie, une jolie petite fille que nous avons appelée Valentine. Et depuis, ballets, shows, travail quotidien à la barre, une grande sérénité, une fidélité. Elle pense à moi d'abord, je la fais passer en first. Je perds mon égoïsme et pense que les femmes ont des qualités souvent supérieures à celles des hommes…

Le temps a passé ; de ballets en revues, de films en spectacles de télévision à travers le monde, soudés l'un à l'autre, notre fille si talentueuse avec nous,nous avons vu les années défiler, le bonheur nous accompagnant sans cesse. Zizi est ma femme, ma maîtresse, ma mère, ma sœur, elle fait partie de moi-même et nous ne faisons qu'un.

« Le jour où…» a décidé de tout, et cela pour déjà plus de cinquante ans. J'aime ce jour où… Je l'aime tous les jours de la semaine, de l'année, et jusqu'au bout. On est arrivé à un moment où Zizi est moi, et moi je suis elle. Le jour où il faudra partir, j'espère que je serai le premier car je ne vois pas d'autre solution. Sans Zizi, toutes les lumières s'éteignent, il ne reste que la solitude.


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Source: ParisMatch.com

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