On le dit impossible, il peut être charmant et drôle. Spike Lee a une voix unique dans le cinéma : trente ans de carrière, plus de trente films au compteur, Oscar d'honneur en 2016. Le réalisateur devait être président du Festival cette année, mais les circonstances en ont décidé autrement. Extraits.
Paris Match. On ne peut que regretter l'annulation du Festival de Cannes. Votre présidence, qui était très attendue, aurait été sûrement rock and roll !
Spike Lee. Je dois tout à Cannes. Le Festival a définitivement changé ma trajectoire de cinéaste dans le monde. Avoir été choisi par Thierry Frémaux pour être le premier président noir du jury est un grand honneur. Je savais que c'était un job immense, mais la difficulté ne m'a jamais fait peur. S'il me réinvite l'année prochaine, j'ai promis à Thierry d'être là !
La rage et la provocation font partie de votre talent. Vous ne vous considérez pas, dites-vous, comme un cinéaste engagé, mais est-ce que vous vous voyez comme un historien ?
La presse me décrit toujours comme le porte-parole de 30 millions d'Afro-Américains, ce que je ne suis pas. Je filme seulement la réalité. Je parle pour moi, mais je parle fort. Je refuse de me coller une étiquette sur le dos. C'est trop facile de définir quelqu'un avec un seul mot. Ceux qui disent qu'on hurle toujours dans mes films et qu'il n'y a que de la colère ne les ont sûrement pas tous vus. Cela vient des clichés que l'on a des Noirs, une idée avec laquelle je ne suis pas du tout d'accord.
(…)
Quand vous faites dire : "Ces connards à Hollywood qui gagnent cette putain de guerre tout seuls", c'est à Sylvester Stallone que vous faites référence ?
A Stallone, mais aussi à Chuck Norris et aux films de John Ford avec John Wayne, qui, systématiquement, ont mis en valeur le mythe du héros blanc. Comme les Etats-Unis n'ont pas gagné la guerre (du Vietnam, Ndlr), il fallait bien qu'ils fassent des films. Ecrivez-le : Rambo n'a pas existé ! Tout cela a fait beaucoup de tort à la communauté noire, en nous faisant passer pour des sauvages. C'est notre responsabilité, en tant que minorité, de rétablir la vérité.
L'un de vos protagonistes dit au sujet de Donald Trump : "On a aujourd'hui un membre du Ku Klux Klan dans le bureau Ovale !" Trump, que vous surnommez souvent, sans le nommer, "Agent Orange". Beaucoup disent qu'il risque d'être réélu, vous y croyez ?
Ce serait terrible. On parle quand même d'un homme qui a conseillé à des gens de boire de l'eau de Javel pour se soigner ! Il est pathétique. Sa gestion effrayante de la pandémie a sûrement causé la mort de centaines de personnes. Quand vous pensez qu'il s'est fait réformer pour ne pas aller au Vietnam… A cause de lui, on assiste de plus en plus dans ce pays à la montée de la droite et au déclin de la démocratie. Le monde est encore plus dangereux aujourd'hui qu'à l'époque du Vietnam. Comment imaginer qu'en 2020 un homme en train de faire son jogging, Ahmaud Arbery, soit abattu comme un animal, simplement parce qu'il a une couleur de peau différente ? L'histoire se répète, à nous d'en tirer des leçons. Je me couche tous les soirs en me disant que ce type peut à tout moment appuyer sur le bouton nucléaire. J'espère qu'on lui a donné un faux numéro !
Retrouvez l’intégralité de cette interview dans le numéro 3709 de Paris Match, en vente dans les kiosques et sur iPad.
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Source: ParisMatch.com
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