Le calendrier de la relance économique s’accélère. Emmanuel Macron s’apprête à présenter, en début de semaine prochaine, un nouveau plan sectoriel de soutien. Après la culture, le tourisme, l’automobile, l’exécutif va voler au secours du secteur aérien après d’intenses tractations avec les grands industriels du secteur et leurs sous-traitants. Vendredi 5 juin, Bruno Le Maire et Cédric O, le secrétaire d’État au numérique, devaient aussi annoncer des mesures pour éviter que les entreprises de la tech française ne tombent aux mains des géants américains du secteur.
Autant d’annonces qui seront concrétisées dans un nouveau projet de loi de finances rectificative, le troisième depuis le début de la crise sanitaire du Covid-19, présenté mercredi 10 juin en conseil des ministres.
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Soutien à l’apprentissage
Ce texte permettra également d’acter des mesures de soutien en faveur des apprentis, afin d’éviter un effondrement de cette filière. À la sortie d’une réunion avec les partenaires sociaux, la première tenue physiquement à l’Élysée depuis le début de la crise sanitaire, la ministre du Travail a annoncé une aide à l’embauche exceptionnelle et « massive » de 5 000 euros pour les mineurs ou 8 000 euros pour les majeurs jusqu’à 28 février 2021, sans condition pour les entreprises de moins de 250 salariés. Celles de plus de 250 salariés devront, en échange, atteindre plus de 5 % d’apprentis dans les effectifs en 2021, faute de quoi l’aide devra être remboursée. Une telle mesure revient à prendre totalement en charge la rémunération des apprentis qui ont moins de 21 ans, ce qui devrait coûter à l’État plus d’un milliard d’euros, fait-on valoir dans l’entourage de la ministre. Les jeunes auront six mois pour trouver un contrat contre trois mois en régime de croisière, une fois inscrits dans leurs centres de formation, qui seront financés pour cela. Chaque jeune qui aura demandé une filière d’apprentissage se verra proposer une formation dans sa région, promet le ministère. Des mesures plus larges en faveur de l’emploi des jeunes, pour éviter une génération sacrifiée, sont également au programme, mais elles attendront début juillet pour être annoncées.
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Parallèlement, une concertation éclair sera menée avec les partenaires sociaux pour définir un nouveau régime d’activité partielle plus durable après le dispositif exceptionnel mis en place pendant le confinement. Un régime d’activité partielle (ou chômage partiel) de longue durée sera également imaginé. Mais il ne sera ouvert qu’aux entreprises qui parviendront à signer un accord et s’engageront à maintenir l’emploi. Il devrait être plus généreux que le régime de base afin d’éviter des licenciements massifs dans un contexte où l’activité économique ne tourne pas encore à plein régime, loin de là. Le schéma retenu sera présenté mi-juin. Quant à la réforme de l’assurance chômage adoptée avant la crise sanitaire, et très critiquée par les syndicats, elle va par ailleurs être rediscutée à partir de la mi-juin dans une concertation avec les partenaires sociaux. Elle pourrait être enterrée ou repoussée encore plus loin.
Des recettes en chute libre
C’est donc une part considérable de la stratégie de relance française qui aura été dévoilée mi-juin, après une première phase marquée par le vote des mesures d’urgence économiques (prêts garantis par l’État, chômage partiel, reports de charges sociales et fiscales et fonds de solidarité pour les très petites entreprises et les indépendants). Restera ensuite un dernier volet de la relance promise, plus structurel celui-là, que le ministre de l’Économie Bruno Le Maire souhaite axer sur la relance de la productivité et de la compétitivité françaises. Le ministre de l’Économie se bat pour obtenir une baisse des impôts de production, qui pèsent sur les entreprises françaises avant même de savoir si elles ont réalisé un profit ou non, mais les arbitrages ne sont pas encore rendus.
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La récession est désormais attendue à 11 % du PIB, ce qui devrait creuser le déficit budgétaire à 11,4 % contre 9 % dans la précédente estimation du gouvernement. Entre-temps, les recettes budgétaires se sont effondrées du fait du confinement. Celles de la TVA, mais aussi de cotisations sociales, d’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la consommation des produits pétroliers. La nouvelle prévision de Bercy prévoit près de 28 milliards de recettes en moins sur l’année 2020 par rapport à ce qui était anticipé il y a encore quelques semaines, reflet de l’effet violent du confinement sur l’activité économique. Entre 2019 et 2020, les recettes fiscales devraient ainsi avoir plongé de plus de 100 milliards d’euros, de 1 069 milliards à 968 milliards, selon le ministère de l’Économie et des Finances. La dette devait ainsi frôler 121 % du PIB contre moins de 100 % avant la crise.
À Bercy, on préfère insister sur la nouvelle phase que représente la présentation de cette copie budgétaire pour sortir de l’ornière de la crise économique. Elle comprendrait 13 milliards d’euros de nouveaux crédits budgétaires affectés aux différents plans de relance sectoriels. En comptant les prêts et garanties, 40 milliards d’euros en tout seraient ainsi mobilisés.
Un fonds de soutien à la filière aéronautique de 500 millions d’euros
Pour voler au secours d’une filière aéronautique en danger de mort avec l’arrêt du trafic aérien, l’État va constituer un fonds d’investissement de 500 millions d’euros abondé par les quatre grands du secteur, Safran, Thalès, Airbus et Dassault, afin d’investir en fonds propres dans les sous-traitants. Des moyens devraient être dégagés pour soutenir l’investissement et l’innovation du secteur afin d’éviter une panne de la recherche sur la réduction des gaz à effet de serre de l’aviation. Des garanties exports apportées par l’État vont être allongées pendant un an à Airbus, afin d’éviter des annulations de commande par les compagnies aériennes, dont la flotte est clouée au sol. Selon Bercy, cette mesure représente à elle seule plus d’un milliard d’euros de dépenses. De nouvelles mesures de soutien au petit commerce sont également en préparation, « à la demande du président de la République », mais elles ne devraient pas être annoncées avant juillet.
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Ce nouveau budget rectificatif sera aussi l’occasion de mettre en œuvre certains leviers européens de la relance, notamment les nouveaux prêts de la Banque européenne d’investissement, qui devraient atteindre un peu plus de 35 milliards d’euros pour les entreprises françaises, ainsi que le volet assurance chômage européen. Le dispositif SURE européen, qui permet de financer en partie le chômage partiel, devrait être activé, pour environ un milliard d’euros.
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Pas de baisse de la TVA
Bruno Le Maire exclut en revanche toute baisse de la TVA pour relancer la demande, à l’inverse de l’Allemagne qui vient d’annoncer une diminution temporaire jusqu’à la fin de l’année. Les premiers signes du déconfinement laissent en effet penser que la consommation pourrait accélérer toute seule grâce à l’épargne accumulée par les Français pendant cette période. Le Medef était demandeur d’une telle mesure, qui aurait permis d’augmenter les marges des entreprises si elles arrivaient à ne pas répercuter la diminution de la TVA sur leurs prix… À Bercy, on invoque le fait que les recettes de TVA françaises ne représentent plus que 15 % du PIB contre 20 % en Allemagne, à cause de la multiplication des taux réduits. Le ministre de l’Économie dit préférer mettre l’accent sur la compétitivité des entreprises françaises plutôt que sur la demande, en dehors de mesures ciblées comme des chèques vacances pour les familles modestes, pour inciter celles-ci à partir en vacances en France et à soutenir ainsi le tourisme.
« La France a perdu en compétitivité ces dernières décennies par rapport à l’Allemagne, ce qui veut dire que l’effort doit être porté sur l’amélioration de notre productivité, de notre compétitivité et l’attractivité du territoire. Cette politique donnait d’excellents résultats avant la crise. Nous voulons la poursuivre et accentuer l’aspect environnemental », assume Bruno Le Maire. Encore faudra-t-il convaincre la majorité de suivre cette ligne qui passe par des baisses d’impôts aux entreprises, plus difficile à vendre à l’opinion.
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Source: lepoint.fr
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