суббота, 2 мая 2020 г.

Dettes publiques : mutualiser, annuler ou monétiser ?

La bérézina économique provoquée par le confinement de la moitié de la population du globe entraîne presque partout une hausse vertigineuse des déficits et des dettes. L’Europe, et plus particulièrement l’eurozone, est aujourd’hui devant un défi immense. Pas celui de lever des centaines de milliards d’euros pour amortir le choc, certes. En revanche, la gestion de la divergence croissante entre les finances publiques des États membres s’avérera un casse-tête majeur.

Lorsque le Covid-19 s’est abattu sur notre continent insouciant et dont le degré d’impréparation était effarant, le bilan de santé économique de l’UE comme de l’eurozone était contrasté mais en légère amélioration. Chômage en baisse un peu partout, déficits publics contenus et, à part en France et en Italie, une dette publique en baisse sensible par rapport aux niveaux atteints après la crise de 2008.

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Avec des chutes de PIB qui, selon les pays, s’établiront entre 5 et 10 %, voire au-delà, le déficit public en eurozone devrait se chiffrer selon le FMI à environ 7,5 % du PIB, soit environ 900 milliards d’euros, mais avec de réels écarts. Parmi les grands pays, ce sont l’Espagne et la France qui devraient encaisser le choc le plus rude : respectivement 9,5 % et 9,2 % de déficit public-PIB. Vient ensuite l’Italie, dont le déficit public s’envolera à 8,3 %. Et c’est une fois de plus l’Allemagne qui, avec 5,5 % de déficit-PIB, sortira comme la grande gagnante ou, du moins, la moins perdante de cette catastrophe. Les ratios d’endettement s’en trouveront, en toute logique, lourdement impactés. Ainsi, en France et en Espagne, ce ratio avoisinera les 115 %. L’Italie, elle, atteindra le chiffre effroyable de 155 %. Quant à nos partenaires-rivaux d’outre-Rhin, ils nous regarderont les yeux vers le ciel du bas de leur taux de 68,7 %, comme d’ailleurs les Néerlandais.

Et encore ces chiffres himalayens ne couvrent pas le coût de la relance, car il ne suffira pas d’arrêter la dégringolade, mais bien de revenir à un niveau de croissance positif. Un plan qui se chiffre entre 5 et 10 % du PIB flotte entre la Commission et le Conseil européen, soit un budget situé entre 750 et 1 500 milliards d’euros, écart qui écorne à lui tout seul l’image de rigueur et de précision dont les institutions européennes sont si promptes à se parer.

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Quel financement ?

La plus grande confusion règne sur le financement de ces montants historiques. La logique actuelle voudrait que chaque pays émette de la dette nationale pour financer ses besoins. Ce faisant, ils bénéficieraient des rachats orchestrés par la BCE, de concert avec les banques centrales nationales, dans le cadre de son programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE) renforcé de 750 milliards d’euros (appelé en bon français « Pandemic Emergency Purchase Program ») annoncé fin mars. Ce programme a pour objectif, entre autres, d’atténuer la hausse des taux d’intérêt inhérente à une telle masse de titres jetée sur le marché, situation d’incertitude sur la soutenabilité de dettes publiques de plus en plus astronomiques.

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Ce nouveau programme pose toutefois un double problème. D’une part, il n’absorbera pas totalement ces émissions massives ; d’autre part, il s’effectuera comme les QE précédents au prorata de la participation des États au capital de la BCE. Ainsi, l’Allemagne et les Pays-Bas, actionnaires proportionnellement importants de la BCE et peu endettés, bénéficient mathématiquement du rachat d’une part très importante de leurs dettes publiques respectives (environ 25 et 30 %). Or ces pays « vertueux » n’en ont nul besoin puisque les marchés financiers ont déjà pleine confiance dans leurs obligations d’État. Avec les mêmes règles de calcul, l’Italie, la Belgique et le Portugal, actionnaires proportionnellement plus modestes de l’institut de Francfort mais criblés de dettes, ne voient que 15 % à 16 % de celles-ci rachetées, alors qu’ils doivent faire face à des marchés financiers logiquement beaucoup plus réticents. La France et l’Espagne se situent entre ces deux extrêmes (18 %), mais vont devoir faire face à un tsunami de nouvelles dettes. D’où la crainte par ces pays de subir une forte hausse de leurs taux sur les marchés financiers. D’où aussi leur soutien à l’idée d’un endettement commun avec des obligations émises par une institution européenne, peut-être l’UE elle-même, bénéficiant de la garantie collective des États membres afin d’obtenir des taux très favorables. Sans surprise, les pays « vertueux » comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande, l’Autriche, la Finlande et les Pays baltes ne sont pas favorables à cette solution. Comment faire accepter à leur opinion publique de partager de la dette supplémentaire avec des pays incapables de gérer la leur ?

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Comment transmettre l’argent ?

L’autre grande question est celle de la transmission de cette avalanche d’argent aux pays et les secteurs les plus touchés : prêts ou transferts ? Les pays vertueux disent que cet argent doit être emprunté et remboursé, tandis que les pays surendettés préfèrent, eux, la formule du transfert, car ajouter de la dette à la dette (même un peu moins chère) ne résout pas leur équation. Quoi qu’il en soit, ces fonds levés par l’UE ou une éventuelle institution ad hoc devront être remboursés. Mais par qui ?

Politiquement, cette solution « mutualiste » séduit les fédéralistes, car cela construit un étage supplémentaire sur l’édifice inachevé de leurs mythiques États-Unis d’Europe. Elle se voit donc soutenue par les institutions communautaires que sont la Commission, la BCE et le Parlement européen.

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Il existe pourtant le Mécanisme européen de stabilité (MES) créé en 2012 et sa capacité de financement d’environ 400 milliards d’euros. Il constitue techniquement une solution « classique », mais son utilisation par les pays en détresse implique normalement un droit de regard sur leur politique économique et la gestion de leurs finances publiques, ce qui constitue un véritable repoussoir dans un contexte où les vannes de la dépense publique sont grandes ouvertes et « sans limites ».

Une frange plus agressive de la pensée économique plaide, elle, pour l’annulation de la dette qui a été rachetée par la BCE via les banques centrales nationales dans le cadre des QE afin de redonner une capacité d’endettement aux débiteurs. Idée absurde, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les grands bénéficiaires seraient, comme nous l’avons montré plus haut, les pays qui en ont le moins besoin (Allemagne, etc.). Par ailleurs, sur le plan strictement financier, cela signifierait que le système européen des banques centrales de la zone euro (SEBC) encaisserait une perte de l’ordre de 2 200 milliards d’euros et se retrouverait avec des capitaux propres négatifs du même ordre de grandeur. Quelle importance, nous diront les « alternatifs » ? Aucune, effectivement, si ce n’est que, depuis la fin de l’étalon-or, la valeur et la crédibilité d’une monnaie reposent sur un critère extraordinairement immatériel mais fondamental : la confiance. Et cette dernière est construite sur un certain nombre de conventions financières qu’ils veulent jeter aux orties. De plus, pour rendre opérationnelle une telle idée d’une annulation de la dette rachetée par la BCE, il faudrait une franche majorité au sein de l’Eurogroupe, sans parler du nécessaire consentement des organes de gouvernance des banques centrales, qui, au sein de l’UE, sont toutes indépendantes. Utopique !

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On peut également s’interroger sur les folles dérives auxquelles mènerait le concept d’annulation de la dette quand on en a trop. Un boulevard pour la démagogie, car nous savons qu’une fois ce coup d’éponge passé, la spirale de l’endettement reprendrait. Quel gouvernement peut, en effet, résister aux charmes de la dépense publique financée par une dette créée puis effacée comme par magie ?

Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin de cette relance au niveau national et que les pays les plus « massacrés » doivent en bénéficier plus que proportionnellement. Une aggravation des divergences économiques entre pays membres de l’UE et, encore plus, au sein de l’euro zone, serait en effet néfaste à tout ce marché européen dans lequel nous sommes étroitement et collectivement imbriqués.

« QE asymétrique »

Il reste une solution qui a le triple mérite de ne pas accroître la fédéralisation, de ne pas mutualiser les dettes et de ne pas casser le thermomètre pour tenter d’échapper à la fièvre. Nous l’avons appelée dans un article récent « QE asymétrique », mais le terme de « monétisation différenciée » paraît le plus approprié. Le mécanisme en est assez simple. Il consiste à poursuivre la mise en œuvre de la politique de monétisation de la dette avec le rachat de titres par l’euro-système tel qu’annoncé fin mars par la BCE, dont il serait toutefois souhaitable d’accroître la dotation au-delà des 750 milliards d’euros prévus. Mais avec une différence majeure : flécher ces rachats sur les dettes des pays qui en ont le plus besoin, au lieu d’appliquer le critère devenu absurde parce que linéaire, de la part détenue par les pays du capital de la grande dame de Francfort. Ce changement d’approche devrait s’accompagner de l’émission par les pays les plus dégradés d’obligations très longues, 30 ans à 50 ans, et de leur maintien dans le bilan de la banque centrale jusqu’à expiration. Cette nouvelle approche offre plusieurs avantages : pas de création d’une énième institution, pas de remise en cause des traités dont on connaît la complexité et la durée, pas d’aléa moral puisqu’aucune dette n’est mise sous le tapis, et pas davantage de choc inflationniste puisque l’on reste dans le cadre de l’enveloppe de rachats prédéterminée. Un simple accord pragmatique au sein des instances européennes suffirait pour mettre en œuvre une telle solution techniquement sans obstacle.

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Resterait à négocier la délicate question des critères à appliquer pour quantifier les rachats pays par pays en fonction de leur situation. Enfin, pour contrer la réticence des pays « fourmis » qui jugeraient que les « cigales » s’en tirent bien, il sera évidemment nécessaire de s’accorder pour une réduction très lente, relativement indolore, mais continue et irrécusable des ratios de dette sur PIB pour ceux qui ont largement dépassé les bornes. Une baisse moyenne de 1 % par an de ce ratio (un peu plus pour les très mauvais élèves et un peu moins pour les moins mauvais), avec un objectif de revenir à terme au chiffre de 85 %, certes encore arbitraire, qui doit devenir le nouveau plafond, car celui de 60 % n’a plus aucun sens. Cela nous prendrait de nombreuses années pour « rentrer dans les clous », nous opposera-t-on. Peu importe, en ce qui nous concerne, l’important n’est pas la vélocité mais le cap et son maintien obstiné permis par une réindustrialisation pro-croissance, des choix budgétaires clairs en faveur de certains domaines régaliens et sociaux et de retrait d’autres domaines moins essentiels, à l’instar du renoncement à une immigration ruineuse, une lutte sans merci contre les fraudes fiscales et sociales et une révision profonde des contributions nettes au budget européen. En effet, il est clair que la France à genoux ne peut plus se permettre de consacrer entre 9 et 10 milliards d’euros par an à un système dont elle n’est clairement pas bénéficiaire nette.

* Jean Messiha est délégué national aux études du Rassemblement national, et Frédéric Amoudru est ancien cadre dirigeant d’une grande banque française

Source: lepoint.fr

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