Usines à l’arrêt, avions cloués au sol, consommation et déplacements en chute libre… Les mesures de confinement prises en Chine et désormais dans de nombreux pays pour endiguer la pandémie du Covid-19 ont porté un coup d’arrêt sans précédent à l’activité économique. Et pendant que les êtres humains se battent contre le virus, la planète, elle, profite d’un répit bien mérité.
C’est l’effet inattendu de cette crise sanitaire mondiale. En Chine, et maintenant en Italie, on observe une diminution drastique de la pollution de l’air. Dans certaines villes chinoises d’ordinaire embrumées dans la pollution, les habitants découvrent le ciel bleu. Et si cette pandémie était l’électrochoc tant attendu pour que l’être humain prenne conscience de son empreinte sur l’environnement ? Entretien avec François Gemenne, chercheur à l’université de Liège et membre du Giec.
Le Point : En nous forçant à réduire notre consommation, notre production et nos déplacements, cette crise sanitaire peut-elle avoir des effets bénéfiques pour la planète ?
François Gemenne : Certainement. C’est tout le paradoxe de la crise actuelle. Le niveau de pollution va se trouver réduit, grâce à des mesures drastiques qui n’ont pas été choisies. On voit la qualité de l’air qui s’améliore, en Chine ou ces derniers jours en Italie, les dauphins qui reviennent nager dans les ports de Sardaigne… Les chiffres sont impressionnants. Finalement, c’est la pandémie qui aura le plus d’impact sur le réchauffement climatique. En Chine, elle pourrait presque avoir des effets bénéfiques en termes de santé publique ! La surmortalité liée à la pollution atmosphérique y est estimée à un ou deux millions de personnes chaque année, et la pollution a diminué de 20 à 30 % pendant la crise. Pour un bilan d’environ 3 500 morts du coronavirus, combien de vies épargnées par une meilleure qualité de l’air ?
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Un recul de cette ampleur et aussi soudain des émissions de gaz à effet de serre, c’est une première ?
Le seul élément de comparaison, c’est la crise économique et financière de 2008-2009. On avait vu une diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre. Mais il y avait eu un très fort effet rebond après… Peut-être qu’après la pandémie les émissions vont à nouveau repartir à la hausse comme après la crise de 2008. D’où la nécessité de penser la sortie de crise dès maintenant, et la manière de transformer notre modèle.
Est-il utile de sauver toutes les compagnies aériennes ? Les compagnies pétrolières ?
Justement, quand la crise sanitaire sera terminée et que les gouvernements voudront relancer l’économie, n’y a-t-il pas un risque que l’environnement passe au second plan et ne soit pas la priorité ?
Il est fort possible que des mesures en faveur de l’environnement soient remises à plus tard ou tout simplement abandonnées. À l’issue de cette crise, comment voulez-vous par exemple reparler de la taxation du kérosène alors que les compagnies aériennes auront beaucoup souffert ? Ce sera totalement inaudible.
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Dans son allocution du jeudi 12 mars, Emmanuel Macron a estimé que cette crise devait nous pousser à revoir notre modèle. N’est-ce pas l’occasion de mener une politique ambitieuse de transition écologique ?
Il a complètement raison. La question c’est de savoir comment on fait pour réinventer ce modèle. Les mesures économiques et les aides qui seront versées aux entreprises à l’issue de la crise peuvent être un vecteur de transformation, et ne pas seulement servir à compenser les pertes pour revenir à la situation d’avant. L’État va devenir un planificateur économique et investir des centaines de milliards d’euros. Il pourrait saisir l’occasion pour aller vers une économie décarbonée. Est-il utile de sauver toutes les compagnies aériennes, notamment les low cost ? Va-t-on sauver les compagnies pétrolières ? C’est une occasion unique d’opérer une véritable transition écologique.
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