пятница, 6 марта 2020 г.

Corbeyran, le plus rock (et touche-à-tout) des scénaristes de BD

En septembre, il signera sa 400e BD et célébrera, par la même occasion, trente ans de carrière, à la faveur de la publication d’un polar-graphique intitulé L’Homme-Bouc chez Hachette. Blouson noir, crâne rasé, boucle d’oreille et bagues ornées de têtes de mort, Éric Corbeyran, 55 ans, est assurément le plus productif des scénaristes de bandes dessinées.

Cet amateur de hard rock, tendance heavy metal, installé à Bordeaux, publie un album par mois depuis 1990. Il a commencé par la série Les Griffes du marais, dessinée par Patrick Amblevert, chez Vents d’Ouest : « Un univers fortement influencé par mes lectures d’Edgar Allan Poe, un écrivain que j’avais découvert grâce à une chanson d’Iron Maiden [« Murders in the Rue Morgue », 1982, NDLR] », confie-t-il. Guitariste à ses heures, ce fan du groupe AC/DC continue aujourd’hui de produire des scénarios, avec une régularité de métronome.

« Sa force de travail m’impressionne. Éric est un bosseur acharné. Il y a chez lui un côté passionné et perfectionniste qui le pousse à toujours réunir une imposante documentation avant de commencer l’écriture d’un album », relève Achille Braquelaire, ancien vice-président de l’université de Bordeaux avec qui Corbeyran a publié deux séries : Imago Mundi et Climax chez Dargaud (dessins de Luc Brahy). Dans ces deux cycles d’aventure, les héros sont des scientifiques. L’aventurier Harald Haarfager en quête de la ville de Babel, notamment, y est secondé par un physicien (Loïc Mellionnec) et une mathématicienne (Leia Lewis). Or, Achille Braquelaire est précisément informaticien et mathématicien.

Autodidacte

« Si je me suis tourné vers le neuvième art, c’est que je ne savais rien faire d’autre que de raconter des histoires », confie, modeste, Éric Corbeyran. Après une enfance itinérante entre Méditerranée (il est né à Marseille), Lorraine, Charente et Poitou, le futur scénariste entame un cursus universitaire en anglais, vite abandonné. Il se réoriente en psychologie, où il ne persévère pas davantage. « Mais il faut croire que je n’étais pas fait pour les études, car je n’ai finalement validé aucun diplôme. Au moins, ces études m’auront-elles permis de rencontrer ma femme », plaisante ce jeune grand-père.

Habitué des «salons du livre» et des rencontres dédiées au neuvième art, Éric Corbeyran est facilement reconnaissable avec son look de rocker.

© BD

Au sortir d’études écourtées, il commence à travailler dans la publicité. « Mais il m’est vite apparu que je n’allais pas réaliser très longtemps des réclames. » Par chance, ce grand lecteur de BD, fan des séries Iznogoud et Rahan, découvre qu’il dispose d’un talent : celui de trousser rapidement un scénario. Il rencontrera le succès avec sa deuxième saga, Le Chant des Stryges, cosignée avec Richard Guérineau et parue à partir de 1997 chez Delcourt. Dans cette histoire en forme de mythe, un peuple mystérieux d’êtres ailés semble jouer aux marionnettes avec une humanité moribonde. « Pour être tout à fait franc, les ventes n’ont commencé à décoller qu’au tome 4 de la série, mais c’est vrai que tout cela est arrivé assez rapidement dans ma vie », relativise-t-il.

Premiers succès

Alternant science-fiction et enquêtes policières, drames familiaux et contes pour enfants, Éric Corbeyran se fait définitivement un nom avec Lie-de-vin (Dargaud) en 1999. Un album sensible où il aborde le difficile thème de l’adolescence, à travers l’itinéraire d’un jeune garçon qui vit chez ses tantes et est marqué, physiquement et psychologiquement, par des épreuves.

L’intrigue lui permet de répondre aux questions que se pose le personnage sur ses origines, mais aussi sur cette tache de vin qui est à l’origine de son surnom. L’album, dont les planches sont l’œuvre d’Olivier Berlion, gagne près d’une vingtaine de récompenses à sa sortie. Il rate de peu le Grand Prix du Festival d’Angoulême. C’est à cette époque que le scénariste Frank Giroud le contacte (« il a été l’un des premiers à m’encourager et à me dispenser des conseils »). Il rencontre au même moment deux autres grands scénaristes BD : Jean Van Hamme et Pierre Christin. Ces aînés l’adoubent comme l’un des leurs.

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En l’an 2000, Éric Corbeyran franchit la barre du million d’albums vendus, mais il ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. « Devenu père en 1989, j’ai réalisé que les droits d’auteur d’un scénario ne me permettaient pas de tenir plus d’un mois. J’ai alors adopté ce rythme qui consiste à écrire une histoire en quatre semaines. Lorsque ma deuxième fille est née en 1996, le pli était pris. Heureusement, mon imagination ne s’est jamais tarie », confie ce photographe amateur qui conçoit ses aventures comme des story-boards de films en privilégiant les aspects visuels au texte.

Adapté à Hollywood dans un film avec Stallone !

L’homme ne craint pas d’explorer des environnements parfois très éloignés de son quotidien : comme la prison (Paroles de taule, Delcourt, 2001), les commissariats de police, la banque ou l’armée. « J’aime découvrir, à chaque album, un décor que je ne connais pas. Je n’éprouve aucune difficulté à me glisser dans l’univers d’autres auteurs lorsque je suis sollicité comme scénariste invité. » Il a ainsi écrit des épisodes pour des séries qu’il n’avait pas créées, intervenant sur XIII, Bob Morane, Boule et Bill et même sur un improbable projet de Bécassine !

Lorsqu’on lui a demandé de transposer en BD l’univers du jeu Assassin’s Creed, Alexis Nolent, alias Matz, a tout de suite pensé à lui. « Et je n’ai pas été déçu, car je suis très admiratif de la méthode et de la rigueur avec laquelle il travaille. C’est grâce à cette discipline de fer qu’il peut écrire plus de BD que je ne peux en lire », analyse ce grand gaillard dans un grand éclat de rire. « Moi, sur la même période, je n’ai réussi à publier que 52 albums… » ajoute le bonhomme, qui a néanmoins eu le privilège de voir l’une d’entre elles (Du plomb dans la tête, Casterman) être adaptée sous le titre Bullet to the Head, par Walter Hill, en 2012 à Hollywood avec… Sylvester Stallone !

Si sa production impressionne, Éric Corbeyran reste lucide. « Toutes mes BD ne sont pas des succès. J’ai dû arrêter des séries qui me tenaient à cœur comme BlackStone ou Urban Vampires. Mais chaque album est pour moi l’occasion de pousser la porte d’un monde nouveau. J’aime travailler avec des dessinateurs de tous horizons. J’aime aussi m’associer avec un spécialiste lorsque je dois traiter d’un secteur que je ne connais pas », dit-il.

Des planches aux vignes, aux parfums et… aux chansons

Habitant la préfecture de Gironde, le monde viticole lui tendait les bras. « J’ai fini par écrire sur les vins que je buvais, rigole ce boulimique de rencontres et de découvertes. Je m’y suis mis en 2007 et j’ai découvert que le sujet méritait qu’on s’y arrête. » Éric Corbeyran consacrera près d’une trentaine d’albums à cet univers en soi.

De Châteaux Bordeaux (2011) au Clos de Bourgogne (2016), en passant par In vino veritas (2013), Bodegas (2014), Vinifera (2018) ou Liber Pater (2019), tous chez Glénat, l’auteur continue de creuser le filon, explorant des cépages, parfois lointains, mais aussi l’histoire du vin. « La place de ce breuvage, dans la civilisation occidentale, est centrale », justifie-t-il.

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En février dernier, il s’est mis à défricher un nouvel univers : celui de la parfumerie, à la faveur d’une série (parue chez Robinson et cosignée avec Christophe Mot et Piotr Kowalski) intitulée la Maison des fragrances. Il a également commencé une autre saga consacrée au chocolat (aux éditions du Lombard), dont le tome 2, cosigné avec Bénédicte Gourdon et illustré par Denis Chetville, a paru à la mi-février.

Toutefois, depuis quelques mois, Éric Corbeyran s’est fixé deux nouveaux challenges : la rédaction d’un roman ainsi que l’écriture de chansons. « Je travaille dessus depuis un an. J’en parlerai quand ce sera fini, émet-il à propos du livre. Quant à la musique, c’est une chanteuse connue qui m’a démarché. Le défi m’a amusé. » Avant d’ajouter comme s’il se parlait à lui-même : « Cela ne veut pas dire que je me considère comme un styliste ou un poète. Car je reste avant tout un petit artisan de l’écriture. »

À 55 ans, le scénariste de bande dessinée se tourne aujourd’hui vers la littérature et la musique. Il achève l’écriture d’un premier roman et s’apprête à offrir à une chanteuse renommée les paroles de plusieurs singles.

© DR

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