« Le nombre de cas a commencé à baisser après le 15 février. […] L’épidémie devrait être globalement sous contrôle en avril. » C’était une déclaration attendue de tous : ce matin, le professeur Zhong Nanshan, l’expert officiel des maladies respiratoires de la République populaire de Chine, a le premier confirmé ce que les statistiques officielles laissaient entrevoir, lors d’une conférence de presse à Guangzhou, grande ville dans le sud du pays. Alors que les cas de coronavirus explosent à l’étranger, la Chine semble, elle, engranger les fruits de ses mesures drastiques pour lutter contre l’épidémie.
Au 27 février, les statistiques chinoises font état de 78 500 cas confirmés, dont près de 8 350 patients dans un état grave, et 2 747 décès. Néanmoins, le pays a connu une chute sensible du nombre de nouveaux cas : de près de 4 000 confirmés par jour, en moyenne, dans les deux premières semaines de février à seulement 450 dans la journée du 26 février. Surtout, ces cas sont quasi entièrement concentrés dans la province du Hubei, où est apparu le virus. En dépit de ces signes encourageants, le président chinois Xi Jinping restait prudent vendredi dernier, se refusant à faire des déclarations similaires à celles de Zhong Nanshan.
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« La Chine a franchi le pic de l’épidémie », confirme au Point le docteur Ivan Hung, l’un des meilleurs spécialistes de l’épidémie à Hongkong. Après une journée passée sur le « front » à suivre les 10 cas dont il a la charge, ce professeur de médecine et chef du service des maladies infectieuses à l’université de l’ancienne colonie britannique, entre dans son bureau de l’hôpital Queen Mary avec une demi-heure de retard, enlève son masque et souffle deux secondes.
À 18 h 30, il vient d’inspecter son dernier patient, mais sa journée n’est pas terminée : « Je dois aller au Ruttonjee Hospital, dans l’est de l’île. J’y mène des essais cliniques. » Son visage garde les traces des masques et des lunettes de protection qu’il a portés toute la journée en salle d’isolement. Ce spécialiste des coronavirus avait reçu une médaille pour sa participation à la lutte contre le Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003. Et il rempile pour le virus « Sars 2 », qui a atteint Hongkong, comme la plupart des grandes villes de Chine au cours du mois de février.
Les autorités chinoises et celles de Hongkong ont fait un excellent travail pour confiner le virus.
« Les autorités chinoises et celles de Hongkong ont fait un excellent travail pour confiner le virus », juge ce spécialiste. Alors qu’elle est désormais profondément ancrée dans l’espace chinois, la cité semi-autonome connaît pour le moment seulement 92 cas, et n’a pas vu l’envolée dramatique qui est en train de se produire en Corée du Sud, en Italie ou en Iran. Grâce à la fermeture quasi totale des frontières avec la Chine, les entrées quotidiennes depuis le continent ont chuté de 100 000 à moins de 3 000. Outre la restriction des mobilités à l’échelle nationale, la recette du succès de la lutte a tenu, selon Ivan Hung, à plusieurs facteurs : « D’abord, tous nos citoyens sont conscients de la menace du virus, et tout le monde porte un masque. Nous avons développé le travail à domicile, les écoles ont été fermées. Et peu de gens sortent pour aller dîner, ce qui est le plus grand risque, parce que, quand vous enlevez votre masque, vous pouvez transmettre le virus. » En effet, dans le cas de Hongkong, les cas ont très souvent été liés à des sorties au restaurant et des réunions de famille du Nouvel An chinois.
« Ensuite, la rapidité du diagnostic est décisive », rappelle-t-il. « Dès que nous sentons que quelque chose ne va pas, nous isolons les patients et nous conduisons des tests d’urgence. Si vous avez un traitement précoce, le taux de guérison est très élevé. » L’ampleur de l’épidémie « dépend donc beaucoup de la qualité du système de santé ».
La Chine sortie d’affaire fin avril ?
Cependant, Ivan Hung met en garde contre un optimisme excessif : « Le virus continue de se répandre, il s’étend en Corée du Sud, au Japon, en Iran et en Italie. Le virus produit désormais une pandémie. Nous devons toujours trouver le meilleur moyen de le traiter, et le plus important sera de produire un vaccin pour le prévenir. Malheureusement, il semble que ce virus va rester pour toujours parmi nous. »
Le risque est aussi qu’en Chine le retour des centaines de millions d’ouvriers et d’employés sur leur lieu de travail provoque un rebond. « L’économie en Chine devra repartir », prévient le chef de service hongkongais. Si les gens sont très prudents, portent tous des masques, se lavent les mains et évitent tout rassemblement, durant le déjeuner et le soir, ce ne sera pas un problème. Souvent, les employés ont commencé à retourner au travail il y a une semaine à peine. Il va falloir attendre pour savoir quel effet cela aura. Et s’il n’y a pas de rebond, cela prouvera que ces mesures suffisent pour prévenir la contagion. »
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D’où le délai indiqué par Zhong Nanshan lors de sa conférence de presse. « Cela pourrait être terminé après avril, en Chine continentale et à Hongkong », approuve Ivan Hung. « Pour les autres pays, ils devront probablement attendre un mois de plus pour atteindre leur plateau et voir l’épidémie diminuer sur leur sol. » À la toute fin de la discussion, l’information tombe de la mort soudaine d’un patient détecté la veille dans un hôpital parisien. « C’est très mauvais signe quand un patient meurt aussi rapidement. Cela veut dire qu’il y a une épidémie locale depuis un certain temps et que les cas vont augmenter dramatiquement. » Et de filer vers son deuxième hôpital…
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