суббота, 29 февраля 2020 г.

César de Roman Polanski : « La démocratie, c’est bizarre quand même »

Il est déjà minuit passé dans la salle Pleyel. On commence à s’assoupir dans les fauteuils rouges après trois heures de gala. Trois longues heures. Jusqu’ici, la 45e cérémonie des César a été assez insipide et ennuyeuse. Cela malgré quelques bonnes blagues de Florence Foresti, la séquence lumineuse avec Isabelle Adjani et le numéro de magicien à la David Copperfield de Benjamin Lavernhe qui ont égayé la nuit. Mais soudain, alors que la soirée semble pliée, ce que plus personne n’attendait arrive. Pour la première fois, le nom de Roman Polanski est prononcé. Distinctement. Sans être écorché. Il résonne dans la salle. Distinctement. Jusqu’ici, cela avait été soigneusement évité. Jean-Pierre Darroussin a bafouillé sur le nom du réalisateur franco-polonais. Quant à Florence Foresti, elle a multiplié les allusions marrantes sans jamais le citer. « Il y a douze moments où il va y avoir un souci. Kekonfait avec Roro ? On applaudit, on applaudit pas ? » a demandé l’humoriste aux professionnels du cinéma en référence aux 12 nominations de J’accuse. Le film de Polanski ? La maîtresse de la cérémonie le décrit comme un film « sur la pédophilie dans les années 1970 ». « J’ai les noms, j’ai noté les noms de ceux qui ont voté pour Atchoum (pour J’accuse) », menace-t-elle, hilare.

C’est Claire Denis, la réalisatrice de 73 ans qui a offert aux cinéphiles des pépites comme 35 Rhums et White Material, qui est chargée de dire le nom du pestiféré de la soirée, celui qui a été nommé à la meilleure réalisation, aux côtés de Céline Sciamma, François Ozon, Ladj Ly, Arnaud Desplechin, Nicolas Bedos et le duo Toledano-Nakache : Roman Polanski. Certes, le réalisateur de J’accuse n’est pas là. Il n’a pas osé venir, craignant le « lynchage public ». Mais à minuit 15, son nom retentit dans tous les postes de télévision de France branchés sur Canal+. Distinctement. Claire Denis assume la tâche sans s’encombrer des polémiques. « Féministe, je ne sais pas. Je m’en fous un peu, je ne me pose pas ce genre de questions », répondra-t-elle un jour à un journaliste qui lui demandait si elle faisait des films féministes. Et quand Emmanuelle Bercot annonce le gagnant, « Roman Polanski ! », Claire Denis assume, encore : elle applaudit sur scène. La salle est sonnée. Il y a comme un moment de flottement à Pleyel. Quelle claque ! Quel toupet ! Les quelque 4 000 votants pour les César, personnalités de la profession, ont voté. Librement. Ils ont voté librement pour Polanski. Malgré les sermons du ministre de la Culture Franck Riester qui avait estimé qu’un césar de meilleur réalisateur pour Polanski serait « un symbole mauvais par rapport à la nécessaire prise de conscience que nous devons tous avoir dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ». Malgré l’actrice Adèle Haenel qui a dénoncé les « attouchements répétés » du réalisateur Christophe Ruggia, et a dit il y a quelques jours au New York Times que « distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, «ce n’est pas si grave de violer des femmes» ».

Il est minuit et 16 minutes, désormais. Et Emmanuelle Bercot et Claire Denis semblent perdues sur scène. Florence Foresti ne devait-elle pas revenir pour la clôture et le césar du meilleur film ? Sur Instagram, l’humoriste se dira « écœurée » quelques minutes plus tard dans un post en blanc sur fond noir. Dans la salle Pleyel, Adèle Haenel est la première – et presque la seule – à quitter la salle : « C’est la honte ! C’est la honte ! » lance-t-elle avant d’être suivie de peu par la réalisatrice Céline Sciamma et l’équipe du film Portrait de la jeune fille en feu, qui n’a presque rien remporté (césar de la meilleure photo). Plus tard, avant d’engloutir un lieu jaune rôti à la fondue de poireaux au Fouquet’s, un comédien en vue s’agace : « La démocratie, c’est bizarre quand même. »

Lire des articles en Français lepoint.fr

Комментариев нет:

Отправить комментарий