«Ces mots, je les revendique»: accusé d’avoir tenu des propos insultants et offensants contre des juges, l’avocat Vincent Nioré, délégué du bâtonnier de Paris aux perquisitions, a comparu jeudi en audience disciplinaire, une procédure engagée par la procureure générale de Paris. Eric Dupond-Moretti, Francis Szpiner, Hervé Temim et de nombreux autres ténors du barreau de Paris ont pris place jeudi matin dans la majestueuse bibliothèque de l’Ordre des avocats pour soutenir leur confrère dans cette audience très inhabituelle, présidée par l’ex-bâtonnier Pierre-Olivier Sur.
Une procédure disciplinaire contre un avocat est généralement engagée par le bâtonnier, mais cette fois, elle a été lancée par la procureure générale, Catherine Champrenault.
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Vincent Nioré ne décolère pas contre cette haute-magistrate, représentée à l’audience par deux avocats généraux: «Elle me salit par ses pressions», «elle me harcèle moralement», s’emporte-t-il. «Elle n’est pas là alors que j’ai passé des jours à préparer cette audience !». «Vincent Nioré est un excellent délégué du bâtonnier. La procureure générale veut donc qu’il dégage», renchérit son avocat Cédric Labrousse.
Il est reproché à Vincent Nioré d’avoir tenu des propos insultants lors d’une audience devant le juge des libertés et de la détention (JLD) qui a eu lieu le 18 avril 2019 à la suite de perquisitions dans des cabinets d’avocats soupçonnés de «faux». En tant que délégué du bâtonnier, Me Nioré contestait la saisie de documents par des juges d’instruction.
A l’adresse des juges d’instruction, Vincent Nioré a lâché au cours de cette audience en avoir assez «de nettoyer l’urine», «en avoir marre des salissures des juges d’instruction». «Vous êtes les émissaires de la procureure générale», a-t-il encore lancé aux juges. Et puis: «Nous allons lever tout le barreau pénal contre vous et la procureure générale». A l’encontre du juge d’instruction Serge Tournaire, il a asséné: «Nous connaissons vos méthodes. (…) Vous humiliez les avocats».
«Intrusion dans l’intimité»
Vincent Nioré est délégué du bâtonnier aux perquisitions depuis 13 ans. Il a assisté, dit-il, à 240 perquisitions dans des cabinets ou au domicile d’avocats. Son rôle: «la protection du secret professionnel et donc la protection du client», explique le bâtonnier Olivier Cousi. Il représente «la défense des avocats de la défense».
Vincent Nioré décrit la violence de certaines perquisitions, «une intrusion dans l’intimité», et raconte l’une d’elles en 2018 : alors que le magistrat se montrait insistant à l’entrée de l’immeuble d’une avocate, le mari de celle-ci a fait une crise d’épilepsie. Vincent Nioré avait alors nettoyé l’urine et le vomi de cet homme. Voilà pourquoi, explique-t-il, il a tenu les premiers propos qui lui sont reprochés par Catherine Champrenault.
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Ses déclarations lors de l’audience JLD, Vincent Nioré ne les regrette pas: «Ces propos je les reconnais, je les assume, je les aime», dit-il. L’avocat explique que l’audience devant le JLD a «dégénéré». Il reconnait avoir eu «un ton fort voire virulent» mais estime que les juges d’instruction étaient «anormalement susceptibles, anormalement insultants».
«Dans la magistrature, on a le devoir de supporter cette violence verbale, sinon entrez à la sécurité sociale !», dit-il. «Ils nous perquisitionnent, ils nous écoutent et on ne devrait pas réagir ?», s’emporte encore Vincent Nioré, alors que viennent d’être révélées des investigations d’ampleur, menées par le parquet national financier (PNF) sur des ténors du barreau. L’avocat ne mâche pas ses mots: «l’ENM (l’école nationale de la magistrature, NDLR) produit de temps à autres des petits monstres». Pierre-Olivier Sur l’appelle à modérer ses propos.
Pour Michel Lernout, l’avocat général qui représente le parquet général, Vincent Nioré «pratique en permanence l’invective. (…) Il tient des propos inadmissibles sur la procureure générale qui n’a rempli que son rôle». «Est-ce que des avocats sont moins soumis aux règles de déontologie que les autres ? Me Nioré en fait fi, de ces règles». Il demande au Conseil de discipline de prononcer un blâme contre l’avocat. La décision sera rendue le 22 juillet.
Source: lepoint.fr
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