четверг, 20 февраля 2020 г.

Affaire Pilarski : « L’ADN ne prouvera pas grand-chose »

« J’ai toujours considéré qu’il fallait relativiser l’importance des conclusions que l’on pourrait tirer de l’ADN, dans cette affaire. Que l’urgence de dépenser 200 000 euros pour de telles expertises n’apparaisse pas évidente au juge ou au procureur, je peux l’entendre. » Me Guillaume Demarcq, l’avocat de Sébastien van den Berghe, le maître de l’équipage « Rallye la Passion », ne s’est pas étranglé en apprenant que la juridiction de Soissons n’avait toujours pas transmis les prélèvements salivaires des 67 chiens susceptibles d’avoir mordu à mort Élisa Pilarski, le 16 novembre dernier, en forêt de Retz (Aisne).

Les 62 chiens de race poitevine et black and tan de l’équipage de vénerie, qui organisait une chasse de la Saint-Hubert, le jour du drame, et les 5 chiens qu’élevaient la victime et son compagnon Christophe Ellul, notamment Curtis, issu d’un croisement entre un patterdale terrier et un lévrier whippet, devaient faire l’objet d’analyses croisées dans le cadre de l’information pour « homicide involontaire » ouverte quatre jours après la mort de la jeune monitrice d’équitation. Très attendus, ces examens génétiques, annoncés pour février, pourraient ne jamais avoir lieu.

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La facture présentée par le laboratoire bordelais sollicité par le magistrat instructeur a, en effet, été retoquée, vraisemblablement par le procureur ou le président du tribunal judiciaire de Soissons, comptable des finances de leur juridiction. Ainsi, les échantillons salivaires attendraient toujours dans un placard des services de l’identité judiciaire de la PJ, en charge des investigations. Selon les informations de France Info, un second devis aurait été demandé à un laboratoire concurrent, mais vu la complexité de ces opérations de police scientifique et le faible nombre de laboratoires vétérinaires capables de les réaliser, il n’est pas du tout évident qu’un tarif nettement plus compétitif puisse être proposé.

En aucun cas, une empreinte ADN ne constituera la preuve d’une morsure mortelle.

« Que pouvons-nous attendre de telles expertises ? Pas grand-chose, en réalité », relativise Me Demarcq. Au mieux, elles démontreront qu’un contact physique a pu avoir lieu entre Curtis et sa maîtresse, entre un chien de l’équipage et le corps d’Élisa. En aucun cas, une empreinte ADN ne pourrait constituer la preuve formelle d’une morsure mortelle », considère-t-il. « On sait, depuis le transport judiciaire organisé sur place, le 12 février, que la chasse à courre dont mon client assurait la direction débutait à l’autre bout de la forêt quand Élisa a appelé son compagnon à l’aide, à 13 h 19. On ne peut pas exclure, comme l’affirme M. Ellul, que des chiens de vénerie aient pu approcher le cadavre de sa fiancée et laisser sur lui une empreinte, mais encore une fois, ça ne prouvera rien », juge Me Demarcq.

« On n’a pas attendu l’ADN pour mener des enquêtes et, encore une fois, les témoignages recueillis, les minutages, l’enquête de terrain, notamment la manière dont Christophe Ellul et sa compagne élevaient leurs chiens, nous en apprendrons beaucoup plus que ces relevés scientifiques. Dès lors, le refus de la justice d’engager des dizaines de milliers d’euros dans ces analyses ne me semble pas scandaleux, s’agissant de l’argent du contribuable. » Pour autant, l’avocat des chasseurs, mis en cause en permanence sur les réseaux sociaux, souvent de manière très violente, demande au procureur de Soissons de mettre fin à son « silence assourdissant », face à un dossier « instruit dans un climat de plus en plus malsain et délétère ».

Théorie du complot

Me Caty Richard, qui défend les intérêts de Nathalie, la mère d’Élisa, et de son oncle, Vincent Labastarde, semble sur la même ligne que Me Demarcq. « Depuis le début, dans ce dossier qui déchaîne les passions, je dis attention : "L’ADN ne sera pas le Graal. Si Curtis ou les chiens de la meute ont léché Élisa, morte ou vivante, on retrouvera sur elle leur empreinte. Et après ?" » Elle nuance toutefois son propos : « Comme dans tous les dossiers, le coût des actes est calculé et vérifié, mais il n’est pas question que ce soit au détriment de la manifestation de la vérité. […] La juge va, sans doute, rédiger une nouvelle mission (moins coûteuse et plus ciblée) qui sera communiquée aux parties, lesquelles pourront faire des observations, des demandes complémentaires et, au besoin, saisir la chambre de l’instruction », envisage-t-elle.

Son confrère Alexandre Novion, avocat de Christophe Ellul, est plus tranché. Convaincu de « l’innocence de Curtis », celui-ci considère que, malgré leur coût, ces analyses doivent être réalisées sans attendre, car « rien ne vaut une vie ».

Quoi qu’il en soit, ce report risque de semer un peu plus le trouble, dans une affaire qui oppose violemment deux camps : les défenseurs de la chasse à courre, qui jugent « impossible » qu’un chien de vénerie ait pu s’en prendre mortellement à un humain, et les adeptes des chiens « classés », qui refusent d’imaginer que Curtis, dont on sait aujourd’hui qu’il était entraîné « au mordant », puisse s’être retourné contre sa maîtresse au point de la dévorer.

« La théorie du complot, déjà très vive dans cette affaire très médiatisée, va repartir de plus belle », confie au Point une source proche de l’enquête. « Quoi qu’on fasse maintenant, ce dossier est définitivement pourri : pas d’expertise, et l’on dira que les chasseurs sont protégés en haut lieu et nous cachent des choses ; une empreinte de Curtis ou des chiens de l’équipage, et l’on nous objectera qu’elle ne prouve rien. »

Le Point — Actualité , France



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